Notre francophonie !
Il y a des maximes qui nous reviennent parfois spontanément à notre insu. En voilà une : « le travail est un trésor ». Celle-ci a ceci de singulier qu’elle convoque avec elle la fable du Laboureur et ses enfants dont elle est issue. La musique de ses mots nous est familière, leur résonance trouve en nous une créance, et leur sens sonne comme une évidence. Mais, d’avantage encore, c’est la morale de cette fable qui nous attache d’une étreinte particulière ; son évidence simple mais sensible nous revient et nous saisit : nous disposons souvent, sans nous en rendre compte, d’un trésor que nous cherchons pourtant.
Cette vérité que La Fontaine imageait dans cette fable, avec le génie qu’on lui connait, s’illustre avec une acuité saisissante s’agissant de la francophonie. Voilà un domaine – un trésor pour reprendre les mots du poète – dont la France dispose mais dont elle ne mesure pas sinon l’existence du moins l’étendue.
La chose n’est pourtant en rien indicible. La francophonie, entendue au sens d’espace culturel linguistique, est, en effet, un atout considérable.
C’est un atout d’abord parce qu’elle constitue un patrimoine vivant d’une profonde vigueur rassemblée autour d’une langue : le français, parlé aujourd’hui par 274 millions d’individus à travers le monde, et dont le nombre pourra doubler d’ici 2050. Une langue surtout active et rayonnante dont la vitalité s’exprime sur les cinq continents, qui est la deuxième langue la plus apprise, la troisième dans les affaires et la quatrième sur internet. Cette patrie linguistique, dont l’existence participe à la promotion d’un nécessaire plurilinguisme, est l’aiguillon premier de la francophonie ; celle aussi qui justifie l’importance prêtée à cette dernière.
Mais c’est aussi un atout parce qu’elle dispose d’un réseau culturel et éducatif, unique au monde, qui lui est dédié, véritable maillage mondial au service d’une culture et d’une langue. Quelques exemples : 154 services de coopération et d’action culturelle et 124 Instituts français, soit près de 6 000 agents engagés, 800 Alliances françaises, 495 établissements scolaires à programmes français dans 136 pays, 236 espaces Campus France dans 120 pays, 91 bureaux et correspondants de Business France dans près de 70 pays… La liste pourrait s’étendre tant le réseau est exceptionnel et animé d’un réel souffle à la fois singulier et profond. Ajoutons à cela l’existence d’une organisation internationale – l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) – qui lui est consacrée. Là-encore, aucune comparaison dans le monde.
C’est un atout enfin, et peut-être surtout, parce qu’elle rassemble, grâce à la langue, des pays et des peuples autour d’une identité commune. De fait, d’Abidjan à Montréal, de Nouméa à Alger, de Bruxelles à Rabat, de Paris à Dakar, de Niamey à Genève, la francophonie consacre un espace animé d’un héritage, d’une volonté, d’une ambition et d’un souffle en partage. C’est un échange et un mélange des cultures, et une projection dans un avenir pensé désormais en commun. Or, cette appartenance et cet élan partagés sont une source de création et de croissance extraordinaire. On le sait, des pays partageant des liens linguistiques et culturels forts, créent et échangent bien plus que les autres. La francophonie, c’est un potentiel de développement fabuleux dans l’ensemble des champs de la création humaine : économique, culturel, politique, universitaire, scientifique, agricole… C’est en ce sens et par là que la francophonie constitue une richesse considérable. Elle est une source de développement et de rayonnement sans comparaison.
Prenons donc conscience, comme les enfants de ce sage laboureur, que la francophonie est notre trésor. Cessons de l’ignorer, cessons de la dédaigner, cessons de l’abaisser. Faisons d’elle un axe structurant de notre politique étrangère. Faisons-en un levier d’Archimède pour la France et pour les pays francophones. Cultivons, fouillons, bêchons ce trésor. Bâtissons des projets, engageons-nous tout azimut pour construire ensemble cet espace commun, ce projet, cette utopie.
Arnauld Comparot